Un bon canon ?
Un bon canon ?
(N.B : dans un souci de respect d’une certaine confidentialité, je vais zapper parfois certains points. Désolé.)
D’abord, je sais que cela va en contrarier beaucoup, mais la question est multiple, et pas simple en plus.
Eh oui, un canon c’est un tube, avec un chambrage, mais aussi ce qui va derrière, la culasse et la boîte de culasse. Et puis, il y a aussi d’autres éléments qui viennent se greffer dessus : rallonge de visée, contrepoids reglable (tuner)).
Commençons par le premier morceau : le canon, c’est un tube de métal. En général, un bon « tube » rassemble certaines caractéristiques (je vais mettre de côté volontairement les différents modes de fabrication des canons et de rayage) :
- Il a des rayures. D’accord c’est le cas de tous les canons de match. Mais il en ont deux, trois, six, huit ou douze en général. Le pas de rayure tourne autour d’un tour en 15 pouces.
- Il est très droit et, j’ajouterais, le plus naturellement possible. En effet, après le percage, ils sont redressés avec une presse à main si nécessaire. La grande rectitude sans redressage est en général un signe de qualité potentielle. Un armurier américain testait ses canons en les mettant dans un V de mécanicien. Dans cette situation, il tirait une balle, tournait le canon d’un quart de tour, tirait une nouvelle fois, etc… La qualité était évaluée en fonction des écarts entre les impacts obtenus.
- Le matériau utilisé est aussi homogène que possible, débarrassé des stress éventuels.
- Son percage est centré dans le rond.
- Son diamètre intérieur est très régulier. C’est très important, car le projectile va subir un choc à chaque modification du diamètre intérieur du canon. Il « tape » dedans à 300 m/s… Pour les amateurs d’essais révélateurs, prenez deux carabines (une An….. et une Un…… par exemple) avec des canons propres, demontez quelques ogives sur des cartouches 22LR (il suffit de plier l’étui et de dessertir l’ogive à la main en la laissant aussi intacte que possible), mettez une ogive dans la chambre de la carabine et poussez la doucement dans le canon avec une baguette. Au début, il faut passer un passage un peu dur, c’est la prise de rayures. Ensuite normalement la balle doit avancer de façon particulièrement régulière. Si cela force par moment c’est que le canon est un peu reserré à cet endroit. C’est courant sur une certaine marque vers l’extrémité du canon. C’est une sorte de « choke » destiné à réduire la vitesse des projectiles notamment sur les versions courtes de leur canon.
- L’état de surface à l’intérieur est aussi beau que possible. Désolé, je n’en dis pas plus volontairement.
- Il est très rigide. C’est l’intérêt des canons de gros diamètres et des cannelures.
Vous avez passé avec succès la première étape. Vous avez donc un bon tube, bien droit, bien homogène, d’un diamètre intérieur bien régulier.
Mais sans montage, ce n’est qu’un tuteur à tomates de course. Plusieurs étapes dans le montage du canon 22LR sont nécessaires :
- Le profil extérieur sera éventuellement retouché s’il n’est pas fait d’origine par le fabricant. Ils partent souvent d’un rond qui mesure 1,25 pouce ( environ 31mm) de diamètre.
- La bouche va être usinée et polie. C’est fait en général soit à un angle de 90° soit avec un 11° rentrant.
- Le chambrage se fait avec une fraise de chambre, ou deux (« gros oeuvre » et une pour la passe de finition). Le fabricant classique pour ce genre d’outil de coupe est la société américaine JGS. La qualité dépend du choix de la fraise, de son positionnement, du respect de la profondeur de travail, de la bonne vitesse (rotation et avance) et de la bonne lubrification. A la fin de cette étape, un petit polissage ne nuit pas.
Il faut prévoir avant le chambrage autant que possible les emplacements ou le cone destinés à recevoir les extracteurs lors de la fermeture de la culasse. En effet, parfois cet usinage peut déformer légèrement la chambre.
- Le montage sur la boîte de culasse peut se faire de différentes façons : vissé, collé, goupillé, avec une frette. La meilleure méthode est celle qui apporte le moins de contrainte au métal. Un calcul doit être fait pour garantir la bonne feuillure. L’espace de tête tourne autour de 1,1mm. C’est la zone libre entre le plan de l’entrée de la chambre et le plan de la culasse à la fermeture de celle-ci. Au moment de ce montage, il faut penser à l’indexation des canons avec cannelures.
La photo vous montre un canon Ans….. déposé (on voit les deux passages pour les goupilles verticales de montage) et la boîte de culasse avec un canon Un…. monté par collage.
Pour ce qui concerne les fabricants de canon, on peut citer Lothar Walter, Border-Kolbe, Hart, Shillen, Lilja,… Ils sont tous capables de faire de jolis tubes.
Maintenant, vous avez un bon tube monté proprement sur sa boîte de culasse.
Vous installez la hausse et, Caramba, vous n’avez rien pour mettre le tunnel.
Sur la photo, vous voyez de bas en haut les trois méthodes les plus courantes pour installer votre tunnel :
- Sur une queue d’aronde usinée dans la masse du canon.
- Sur une queue d’aronde rapportée sur le canon (dans le cas précis, elle est montée sur un manchon collé, afin de pouvoir être démontée et accueillir une rallonge de visée).
- Sur une rallonge de visée.
Quelques grands principes sont à respecter (à mon humble avis) en la matière :
- Eviter tout montage qui engendre des contraintes sur le canon (montage en pince, taraudage profond perpendiculaire à l’axe longitudinal du canon). Et ceci surtout sur la zone de la bouche du canon qui assure les derniers instants du guidage du projectile.
- Choisir un système très stable et fiable dans le temps (attention aux vis que l’on ne contrôle pas à chaque match).
- Opter pour un système repositionnable avec précision (une rallonge doit se replacer avec la précision nécessaire pour faire un dix à la première balle).
- Le montage choisi ne doit pas dégrader ou déplacer le groupement (rallonge trop lourde ou mal centrée).
- Si vous avez choisi (malgré mes conseils) un montage en pince autour du canon, assurez vous du serrage à la clef dynamométrique.
Elle va commencer par une phase de rodage. En fait, les ogives vont assurer la fin du polissage intérieur du canon. Le mieux est de tirer une cartouche, de nettoyer le canon, de tirer une cartouche, de nettoyer, etc…. C’est pas très agréable comme séance d’entraînement mais on peut le faire avec le canon tenu dans un étau. On suit ce rythme sur une dizaine de cartouches. Après on peut espacer progressivement les nettoyages ( toutes les 5, 10 cartouches). Après une cinquantaine de coups, on peut repartir sur l’utilisation classique.
Cette phase est encore plus importante avec des gros calibres comme le 6mm Norma BR.
Nettoyage, vous avez dit nettoyage ?
J’ai encore en mémoire les propos de certains. « Je ne fais jamais de nettoyage, ça sert à rien et puis je connais X, il est super fort et il ne fait pas de nettoyage non plus, alors… ». Je vais essayer de vous convaincre.
« Au secours », posez l’oreille sur le métal froid de votre canon, faîtes silence et vous entendrez surement ses lugubres suppliques.
En effet, la combustion de la poudre dégage de la vapeur d’eau (comme toutes les combustions d’ailleurs) et les résidus de poudre brulée deviennent, après quelques temps, très durs, comme des grains de sable. De plus, malgré les évolutions récentes, certains mélanges d’amorcage peuvent être corrosifs à long terme. En clair, ne pas nettoyer son canon, c’est accepter de laisser de l’humidité, des grains de sable et des produits acides à l’intérieur, pendant plusieurs jours ou semaines.
En mesurant le diamètre d’un canon, on reconnaît facilement celui qui n’est pas nettoyé : la mesure verticale est plus grande que la mesure horizontale. L’explication est relativement simple : Les résidus se déposent par gravité principalement en bas du canon et lorsque le projectile arrive et « tape » dedans, cela génère une érosion du métal du canon. En clair, de façon microscopique, votre canon est progressivement usé sur sa partie basse sur toute sa longueur.
Alors, c’est vrai que cela n’est pas très rapide. Mais une fois que l’érosion est entamée, votre canon peut perdre de sa précision de manière très rapide (quelques semaines de pratique régulière). Un diamètre irrégulier engendre une sorte de cercle vicieux de l’érosion, notamment sous l’effet des gaz chauds créés par la combustion de la poudre.
Un autre intérêt dans le nettoyage réside dans le fait que l’on s’assure de l’absence d’élément étranger dans le canon avant de tirer la première balle (un petit objet, présent dans la malette, peut se retrouver dans le canon). Ca évite parfois de le baguer (baguer, c’est lorsque le diamètre intérieur du canon augmente brutalement et nettement à un endroit. C’est ce qui arrive lorsque l’on tire un projectile avec une balle déjà coincée dans le canon)
Et puis le nettoyage limite aussi le dépôt de plomb nu, provenant du passage du projectile. Une accumulation de plomb, qui a une tendance naturelle à s’amalgamer sur l’acier du canon, peut être emportée brutalement par le passage de la n-ième balle. Autant dire tout de suite que la précision devient alors beaucoup plus qu’approximative, et je n’évoque même pas ici le risque de le baguer du fait de la surpression brutale.
Ah bon, vous n’êtes toujours pas convaincu de la nécessité du nettoyage. C’est pas grave, j’espère que nous tirons dans la même catégorie et la même discipline… Et de toutes façons, vous ferez au moins le bonheur des marchands de canons.
Une seule remarque supplémentaire : Lorsque vous faîtes vos tests de munitions, faîtes les avec un canon dans son état habituel, car après plusieurs centaines de cartouches sans nettoyage, votre canon peut présenter une légère évolution dans ses caractéristiques. A la fin de vos tests, repassez les meilleurs lots trouvés, dans un ordre différent, après un nettoyage normal.
Après la dernière séance il a été nettoyé et brille comme un sou neuf. La séance suivante va commencer. La première balle qui va passer dans ce canon va utiliser sa graisse (que le fabriquant a pris la peine de lui appliquer) pour glisser et éviter que le plomb nu ne se trouve au contact de l’acier.
Mais la quantité de graisse n’est pas suffisante pour recouvrir l’ensemble du canon, elle se dépose donc dans la première partie puis finit sa route « à sec » contre les rayures. La balle suivante glissera sur la graisse de la première, posera la sienne sur la partie sèche restante et finira peut-être encore son passage dans les rayures « à sec ». La troisième (ainsi que les suivantes) devrait avoir moins de soucis, sa graisse additionnée à celle des autres devrait suffire à recouvrir l’ensemble du canon qui stabilise alors son comportement.
N’avez-vous jamais remarqué que votre canon doit être « flambé » ou « chauffé » avant de grouper ? A chaque fois la première balle est loin du groupement, la seconde un peu plus près et la troisième le rejoint à peu près.
La solution classique consiste donc à refaire un nettoyage avec du produit nettoyant juste avant le début de la séance, sans sécher tout à fait le canon ; le peu de produit restant assurera la lubrification pour les premières balles, il n’y aura pas de plomb nu au contact des rayures et vos premières balles seront dans le groupement. Avec le produit « Accubore » le résultat de cette manip’ est garantit, je n’ai jamais vu un canon qui, nettoyé de cette façon, n’ait pas attaqué d’emblée dans le groupement. Le problème aujourd’hui c’est de trouver ce produit…
J’utilise une seconde méthode qui a le même objectif. En fait, après avoir nettoyé le canon à la fin de la séance précédente, je passe un coup de feutre sec (histoire d’être sûr que le canon est bien sec et propre), puis je passe un feutre avec juste un quart du feutre imbibé de « Accuoil ». C’est une huile pour arme à feu. Il en faut très peu. Il ne faut pas passer un feutre complètement imbibé, au risque de laisser des gouttelettes d’huile dans le canon. Ainsi, j’ai obtenu les mêmes bénéfices qu’avec la méthode de Jean-Pierre. Et ce produit est un peu plus facile à trouver que « l’Accubore ».
Eric BERTHILLIER